Après la parenthèse de 2023 en SSII ESN[1] et la candidature déçue auprès du département des Pyrénées-orientales le trimestre dernier, je viens de passer trois entretiens dans le cadre d’un recrutement. En attendant le retour[2] du dernier de ceux-ci, vingt-trois ans après la fin de mes études, je constate avoir sans doute connu peu de processus d’embauche traditionnels.
Fils de
Ni d’artiste, de chanteur ou de cinéaste pas plus que de banquier d’affaire ou d’industriel, je suis cependant le fils puiné d’une comptable et d’un ingénieur d’étude. Ce dernier a connu comme unique employeur le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et comme lieu de travail le 24 de la rue Lhomond[3] à Paris. Aussi, mes jobs d’été ne furent ni à La Poste, comme mes ami·e·s, ni à la récolte de fruits comme mes cousin·e·s mais à l’Institut d’études scientifiques de Cargèse, pour procéder à la sonorisation de l’amphithéâtre, ou au Secrétariat général du CNRS, pour réaliser la mise à jour de l’annuaire des délégations.
je ne me suis pas posé de question en juin 2002 pour trouver du travail une fois diplômé
En suivant, je ne me suis pas posé de question en juin 2002 pour trouver du travail une fois diplômé. Je retrouvai naturellement le chemin vers le 3 de la rue Michel-Ange et le service de communication du Secrétariat général[4]. De là, un remplacement comme webmestre pour le Département des sciences du vivant[4:1] et, enfin, un poste de maquettiste à la Direction de l’information scientifique[4:2] m’ont emmené, de vacation en vacation[5], jusqu’au mois de janvier de l’année suivante, premier contact avec l’agence nationale pour l’emploi pôle emploi France travail.
Label famille
Changement de réseau pour la suite ; l’Association Monsieur Vincent, structure crée par la Compagnie des filles de la Charité pour assurer la gestion de résidences pour personnes âgées, a besoin de se construire une identité visuelle et de poser les bases de sa communication indépendamment de la Compagnie. Le hasard de la reproduction sociale a fait qu’une tante de ma compagne, elle-même fille de la Charité, était membre du conseil d’administration de l’association et a fait le lien.
un travail salarié […], tout en me permettant de chercher un autre poste
Le dépannage était mutuel : un travail salarié pour moi, tout en me permettant de chercher un autre poste, et un coup de main pour une structure dont la priorité d’alors était la modernisation et la pérennisation des établissements sanitaires et sociaux (dont certains en difficulté) dont elle reprenait peu à peu la gestion. Avec le recul, vingt-trois ans plus tard, je me demande si poursuivre plus avant avec cette structure du secteur privé non lucratif n’aurait pas été le mieux pour moi mais j’étais jeune et je reçus un e-mail qui m’orienta ailleurs.
Paquet catho.
Cet e-mail, envoyé par un ami issu du groupe d’animation liturgique de ma paroisse[6] d’origine, m’informait que si je cherchais encore un job dans le domaine de la communication[7], une de ses collègues recrutait une personne pour un remplacement. Je passai alors l’appel qui dessina les sept années suivantes. Je ne sais pas comment j’ai eu à la fois l’innocence et la présence d’esprit de demander quel était le dress code en cours chez la vieille dame du quai d’Orsay[8]. Toujours est-il que je fonçais après ma journée de travail au Célio de l’avenue des Champs-Élysées afin de me procurer costume, chemise et cravate[9] pour disposer de l’ensemble, ajusté à ma taille, dès le lendemain soir[10].
Toujours est-il que je fonçais […] au Célio de l’avenue des Champs-Élysées afin de me procurer costume, chemise et cravate.
Là encore, comme me l’apprit plus tard, un brin agacée, la directrice des ressources humaines, mon recrutement ne suivait pas les étapes normales du processus en cours pour un groupe industriel côté en bourse. Après l’entretien avec ma future responsable, celle-ci me conduisit dans la foulée au bureau de la directrice de la communication pour enchainer avec un second entretien. Je me souviens qu’elle m’avait révélé avoir été interpellée par mes nom et prénom, faisant de moi l’homonyme d’un ami à elle, journaliste à Radio Val d’Isère. Je ne sais pas à quel point cela a joué ou non dans l’acceptation de ma candidature mais cette anecdote me permet de souligner cette nouvelle expérience atypique[11] d’embauche.
Un e-mail, un coup de téléphone, un rendez-vous après les heures de bureau au siège social d’une entreprise du CAC40 pendant lequel j’ai rencontré ma potentielle responsable hiérarchique et la directrice du service, accessoirement membre du comité exécutif. Cet enchaînement a eu pour résultat la réception, sans négocier quoi que ce soit, sans échange avec des chargé·e·s de recrutement, d’une offre de contrat d’ingénieur avec les conditions de la convention collective des industries chimiques (j’ai signé).
Anguille sous Roche
J’ai faille omettre cette fois où une des assistantes du service m’a transmis l’appel d’une personne souhaitant apparemment me proposer je ne sais quel placement destiné aux cadres des grandes entreprise. À ma prise de ligne, mon interlocutrice commence par ces mots : « Pouvez-vous parler librement ? » avant de m’annoncer la vraie raison de son appel.
mon interlocutrice commence par ces mots : « Pouvez-vous parler librement ? »
J’avais été repéré par un cabinet de recrutement qui cherchait un chef de projet communication numérique pour le compte d’un groupe pharmaceutique suisse. Cette appel fut suivi d’un rendez-vous dans un appartement parisien converti en bureau pour une première évaluation au cours de laquelle mon interlocutrice a testé mon niveau d’anglais en employant cette langue sans avertissement, presque au milieu d’un phrase[12]. L’issue de cette expérience fut favorable et me fit avancer d’une case sur le plateau de jeu, direction l’île de la Jatte et le siège français du groupe pour la suite.
Cet entretien, plus intimidant, n’a pas débouché sur mon recrutement. Si la raison qui m’en a été donné à l’époque était un changement de stratégie en Europe (le fait est que d’importantes réorganisations et des licenciements ont eu lieu quelques temps après), je me demande à quel point ma transparence ou franchise quant à ma perception d l’industrie pharmaceutique a joué contre moi[13].
Éduquons
Quelques années passent, les kilomètres également : Paris – Perpignan – Bressuire. Quelques semaines après avoir déposé mon CV au lycée de Bressuire, je reçois un appel d’un autre établissement, à Poitiers, pour assurer un remplacement. Quand je me suis rendu à l’entretien avec la directrice d’établissement, le rectorat avait déjà validé mon diplôme supérieur des arts appliqués comme équivalence me rendant apte à enseigner.
J’apporte une réponse à une organisation qui rencontre un besoin…
Une fois de plus, ni longue préparation ni vrai période de stress (le stress, ou le trac, vint après en se préparant à accompagner des élèves pendant presque une année scolaire). J’apporte une réponse à une organisation qui rencontre un besoin qui correspond à mes compétences. Cela s’est renouvelé l’année suivante pour un établissement choletais et, de retour à Perpignan, j’ai été rappelé par Poitiers pour quelque chose de plus pérenne.
Le « plus un »
Le retour dans les Pyrénées-orientales s’est accompagné de deux candidatures : la première auprès d’un éditeur de cartes de vœux et autres faire-part, la seconde pour rejoindre la direction des systèmes d’information du centre hospitalier de Perpignan (CHP).
Pour le poste de concepteur web auprès de l’éditeur, j’ai sans doute connu là ma première expérience classique de recrutement : quelques entretiens accompagnés d’un test technique d’intégration d’une maquette de page. Pour le CHP, disons que c’était à nouveau, à mes yeux, particulier. Même si le poste correspondait à un besoin (notamment améliorer la communication et la compréhension entre le service informatique et les services de soin), j’étais également le conjoint d’une personne appréciée, au retour attendu dans l’établissement.
…j’étais également le conjoint d’une personne appréciée, au retour attendu dans l’établissement.
Entendons nous bien : je n’étais pas la condition de ce retour mais quiconque ayant connu la fonction publique hospitalière sait que, dans un bassin d’emploi tendu, pouvoir fournir un poste[14] au conjoint ou à la conjointe d’un·e professionnel·le de santé est un des rares leviers dont disposent les établissements pour assurer un recrutement stratégique. Je ne pouvais pas ignorer cet état de fait. L’entretien avec le responsable du système d’information était surréaliste, et le contexte évoqué plus tôt n’a fait que renforcer un sentiment d’illégitimité qui m’a conduit à (ne pas) négocier un salaire en évoquant de moi-même une rémunération sans doute plus basse que la limite inférieure de la fourchette de la DRH[15].
Petite astuce, si quand vous évoquez un chiffre pour votre rémunération, s’il n’y a aucune contre-offre ni aucun semblant de négociation c’est que :
- c’est trop bas
- c’est trop tard pour demander plus
Ma candidature a été acceptée dans les deux cas, j’ai choisi le CHP en me disant que mon travail aurait plus de sens au sein d’un centre hospitalier publique. Vous noterez que dans le cadre de cette expérience, à nouveau, la dimension de dépannage ou de service mutuel est présente.
Retour à l’anormalité
Depuis 2022, j’en suis à ma troisième expérience de recrutement classique dont deux seulement sans contact, quel qu’il soit, au sein de l’entreprise recruteuse. Un succès (relatif vu la tournure qu’ont pris les choses par la suite) et deux échecs, pour deux motifs différents. Une déficit de connaissance effective d’un corps de métier dans un cas, une attitude perçue comme trop réservée dans l’autre.
Le trouble dans la Force, à défaut, le doute, est grand. J’apprends vite, ne documente pas mal, synthétise les problématiques rencontrées de manière correcte et sais écouter mes interlocut·eur·rice·s. J’ai cependant besoin d’un contexte pour réaliser tout ça ; un contexte et un propos.
Je ne vais pas me vendre. D’abord parce que je ne suis pas à vendre, j’abhorre cette expression…
Lors d’un échange je bascule automatiquement en mode « empathie, écoute, analyse et synthèse » pour identifier la meilleure réponse, le propos le plus juste. Je ne vais pas me vendre. D’abord parce que je ne suis pas à vendre, j’abhorre cette expression, ensuite parce que je ne peux pas considérer ma personne comme centrale, sinon par les réponses qu’elle peut donner ou l’aide qu’elle peut apporter pour répondre à un ensemble de problématiques.
Rédigé à Toulouges en février 2025.